Les tsubas sont les gardes des sabres japonais. Ces petites plaques métalliques situées entre la lame et la poignée du katana ou du wakizashi incarnent un équilibre fascinant entre utilité militaire, prouesse artistique et symbolisme culturel. Plongée dans l’univers captivant de ces pièces uniques, témoins silencieux d’un Japon empreint de tradition et de raffinement.
À l’ère des samouraïs, le rôle des tsubas était avant tout pratique. En tant que garde de sabre, ils offraient une protection essentielle pour les mains du combattant. Lors des duels ou des batailles, la lame ennemie pouvait glisser le long de la lame du katana ; le tsuba empêchait qu’un tel impact ne blesse la main. Il servait également à éviter que la main du porteur ne glisse accidentellement vers la lame tranchante, particulièrement lors des mouvements de coupe rapide.
Les premiers tsubas, simples et dépouillés, étaient principalement forgés en fer ou en bronze, mettant l’accent sur leur robustesse et leur légèreté. Leur forme était fonctionnelle, souvent circulaire ou ovale, avec des ouvertures stratégiques permettant d’alléger leur poids sans compromettre leur solidité. Mais même dans ces créations rudimentaires, on observe déjà un souci esthétique : des motifs simples ou des textures travaillées annonçaient les débuts d’un art raffiné.
Dès l’époque Muromachi (1336-1573), le tsuba dépasse sa simple fonction utilitaire pour devenir un support artistique. Chaque pièce commence à refléter la personnalité de son propriétaire, mais aussi la virtuosité de l’artisan qui l’a créée. Cette évolution culmine durant l’époque Edo (1603-1868), une période de paix relative où les samouraïs, moins engagés dans les batailles, mettent davantage l’accent sur l’apparence et le symbolisme de leurs armes.
Les motifs qui ornent les tsubas sont d’une richesse exceptionnelle. On y retrouve des paysages, des fleurs de cerisier évoquant la fragilité de la vie, des dragons symbolisant la force et la protection, ou encore des scènes tirées des légendes et des épopées classiques japonaises. Certains tsubas intègrent des symboles religieux, comme des figures bouddhiques ou des motifs shintoïstes, témoignant de la spiritualité de leur propriétaire.
Chaque détail compte : la finesse de la gravure, les incrustations d’or, d’argent ou de cuivre (technique du zogan) et les reliefs sculptés témoignent de l’extraordinaire maîtrise des artisans. Ces derniers, regroupés en écoles telles que Goto, Shoami ou Higo, rivalisent d’ingéniosité pour produire des œuvres uniques et reconnaissables.
La fabrication d’un tsuba est un processus exigeant, qui nécessite un savoir-faire transmis de génération en génération. Le travail commence souvent par le choix du matériau : fer, bronze, laiton ou alliages précieux. L’artisan dessine ensuite le motif, avant de le graver, de le sculpter ou d’incruster des métaux précieux.
Certaines techniques de finition, comme le katakiri-bori (gravure en coupe oblique) ou le nunome-zogan (incrustation sur texture), donnent aux tsubas un effet de relief et de profondeur remarquable. Ces procédés nécessitent une précision extrême, chaque coup de burin devant être mesuré pour éviter toute erreur irréparable.
Au-delà de la technique, chaque tsuba porte une signature, celle de son créateur. Ces signatures, gravées discrètement, permettent aujourd’hui de retracer l’histoire de ces pièces et d’identifier les maîtres forgerons, dont les noms continuent de résonner dans le monde de l’art.
Pour les samouraïs, le tsuba était bien plus qu’une protection. Il représentait un symbole de statut et de personnalité. Un samouraï choisissait souvent un tsuba qui reflétait ses valeurs, ses goûts ou ses croyances. Ainsi, un motif de tigre pouvait signaler une personnalité courageuse, tandis qu’un design plus sobre pouvait traduire une philosophie de vie tournée vers l’humilité.
Avec le déclin de la classe des samouraïs à la fin de l’époque Edo, le tsuba a progressivement perdu sa fonction militaire. Cependant, il a gagné en prestige en tant qu’objet d’art, prisé par les collectionneurs et les amateurs de culture japonaise.
De nos jours, les tsubas continuent d’être célébrés comme des joyaux du patrimoine japonais. Les musées du monde entier exposent ces pièces dans des collections d’art asiatique, soulignant leur valeur historique et artistique. Les ventes aux enchères voient des tsubas anciens, notamment ceux signés par des maîtres célèbres, atteindre des sommes impressionnantes, renforçant leur statut d’objets de collection.
Dans cet esprit, des institutions comme le cabinet Gauchet Art Asiatique proposent des services d'expertise spécialisés. Notre équipe d’experts se consacre à l’évaluation et à l’authentification de ces pièces précieuses, offrant aux collectionneurs une meilleure compréhension de la valeur et de la richesse artistique des tsubas qu’ils possèdent.
Références :
Les tsuba, gardes de sabre ouvragées des guerriers japonais, Marie Oulès et Béatrice Quette, Musée des Arts Décoratifs, [en ligne], https://madparis.fr/Les-tsuba-gardes-de-sabre-ouvragees-des-guerriers-japonais
Garde de sabre à décor de singes et torii, Musées d'Angers, [en ligne], https://ow-mba.angers.fr/fr/notice/mtc-8316-garde-de-sabre-a-decor-de-singes-et-torii-b8d0bef8-6607-4665-ac56-d1bf93d3ca88
Garde de sabre (tsuba), Musée des beaux-arts de Montréal, [en ligne], https://www.mbam.qc.ca/fr/oeuvres/23268/
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